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02/08/2013

Fabrice Tourre, seul coupable ?

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Un bouc émissaire au casino :

  


L'individualisme est l'axiome libéral de base. Selon cette idéologie, les structures n'existent pas ; les individus sont seuls responsables. Ce solipsisme est très commode. Quand un scandale survient, on sacrifie son opérateur mais on ne cherche pas plus haut ; on ne se demande surtout pas si l'opérateur et ses managers ne sont pas les rouages d'une machinerie – dont la logique est de produire des effets pervers à jet continu. Ce qui est pourtant le cas du système ultralibéral, qui a rendu l'argent fou et maître du monde...

Cette mécanique du bouc émissaire, l'affaire Kerviel l'avait révélée. L'affaire Tourre en est une nouvelle illustration.

Ex-trader de la mégabanque Goldman-Sachs, le trentenaire français Fabrice Tourre avait conçu en 2007 un produit hypothécaire basé sur les dérives d'emprunts immobiliers à risques (subprimes), mais sans informer les « investisseurs » que le fonds spéculatif Paulson avait influencé le contenu du placement et spéculait encore... « John Paulson, milliardaire dont la fortune s'est faite sur les fonds spéculatifs (hedge funds), a réalisé plusieurs milliards de profits en 2007 en misant contre le marché immobilier américain » , expliquent les experts. Quant aux dupes, ça leur a coûté un milliard de dollars. Et ce fut la crise de 2008...

Tourre vient d'être déclaré coupable de fraude  par un jury new-yorkais. « Nous sommes satisfaits de la décision du jury », assure la SEC de Wall Street : « nous continuerons à poursuivre énergiquement ceux qui commettent des fraudes afin de les tenir pour comptables et les traduire devant la justice s'il le faut. »  La SEC se f... du monde : ce qu'on vient de voir fonctionner, c'est le système libéral de l'individu bouc émissaire. Il suffit de regarder ce qui s'est passé au procès pour comprendre que Tourre n'était qu'un pion, un rouage, un atome de la sphère financière dérégulée [1]. Sylvain Cypel a rappelé les faits dans le magazine du Monde (27/07)... Aucun autre protagoniste que Tourre, soulignait-il, n'a été jugé : ni Goldman-Sachs, qui avait négocié l'abandon des poursuites contre elle en versant 550 millions de dollars ; ni Paulson, qui avait proposé à Goldman-Sachs de créer le produit financier toxique contre lequel il allait spéculer à la baisse... Mieux ! (et là on croit revoir un des nombreux films hollywoodiens sur les turpitudes de la finance) : l'ex-supérieur de Tourre, Jonathan Egon, pourtant captain de l'opération toxique, a chargé son ex-subordonné durant le procès ! après quoi Goldman-Sachs a nommé Egon directeur général... Encore mieux : les collaboratrices de Tourre sont venues elles aussi le charger... « Il était seul à savoir », dit l'une ; « je suis une victime de sa turpitude », dit l'autre ! Témoins, juges et jurés ont feint de ne pas voir qu'en coulisses c'était Goldman-Sachs qui payait les avocats de Tourre. Et le 17 juillet, lendemain de l'ouverture du procès, Goldman-Sachs a annoncé des bénéfices trimestriels en hausse de 101 %. Greed is good.

Ce matin, les invités d'une radio française nous assuraient (une fois de plus) que le modèle économique et financier mondial était « en train de changer ».

Changer de lui-même ? par lui-même ?

Sans une intervention massive et résolue des Etats [2], le modèle ne changera que quand il explosera. Sur nos têtes.

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[1] Casino destructeur qu'aucun site libéral ne met jamais en cause.

[2] pardon, j'oubliais que « l'adversaire c'est l'Etat » (disent les acéphales).

  

Commentaires

HYPOCRITES OU AVEUGLES

> Malheur à vous, libéraux aveugles qui filtrez le moucheron de "l'étatisme" et avalez le chameau de l'exploitation de l'homme par l'homme et de l'idolâtrie de Mammon !
Malheur à vous, spéculateurs hypocrites qui faites semblant d'investir dans l'économie alors que vous ne faites que jouer à des jeux d'argent surenchérissant sur l'argent !
Le jour où votre sale édifice s'écroulera, il y aura des pleurs (ceux des victimes innocentes grugées par vous) et des grincements de dents (les vôtres : et vous les perdrez je vous le garantis) !
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Écrit par : amos / | 02/08/2013

LE LIBERALISME COMME LE SOVIETISME

> Jacques Rossi ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Rossi ) était un communiste convaincu. Après la guerre d'Espagne, il est rentré tout naturellement en URSS. Et là surprise pour lui qui croyait être accueilli en héros: il a été arrêté, jugé et envoyé au goulag; il y a passé 20 ans. Je l'avais entendu sur France Culture. Il racontait comment les gens au goulag en 1953, à la mort de Staline, pleuraient, tous persuadés que Staline n'était pour rien dans leur sort, et que c'étaient des sous-fifres qui les avaient envoyé au goulag. Mais surtout il racontait comment après un long cheminement intellectuel douloureux il était parvenu à conviction que le communisme était une erreur, et plus encore sa conviction que dès les origines du régime soviétique Lénine et son entourage se sont aperçus que le communisme... ne marchait tout simplement pas.
Jacques Rossi expliquait qu'il a alors fallu aux dirigeants de l'URSS, trouver une explication à cet échec. La chose fut faite en désignant des ennemis du communisme. Le koulak, puis le terroriste... etc. Il disait que l'histoire de l'URSS était consubstantielle à cette recherche de coupables qui n'y étaient absolument pour rien. Et en 1937, le système a désigné ceux qui rentraient d'Espagne.
Avec le libéralisme c'est un peu pareil. Le système ne marche pas. Il fonctionne apparemment normalement pendant quelques mois, puis c'est la crise et ainsi de suite. On désigne alors Jérôme Kerviel, Fabrice Tourre... les ennemis du sytème. Certes, ils ne sont pas complètement innocents, mais ils sont surtout désignés pour masquer que le système ne marche pas. Si le libéralisme ne marche pas c'est de la faute de libéraux peu scrupuleux. Jusqu'à la prochaine crise... Comme dans le communisme, il y a une nomenklatura qui vit bien, qui profite. Et le reste de la population subit.
A relire: "la dérive totalitaire du libéralisme" de Mgr Michel Schooyans qui fait le rapprochement explicite entre le communisme et le libéralisme. Il ajoute que le libéralisme n'est à préférer que pour une seule et unique raison:il est plus facile à détruire.
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Écrit par : Nicolas Dangoisse / | 02/08/2013

PROCHES

> Je suis entièrement d'accord avec Nicolas.
Le libéralisme est d'une certaine manière proche du communisme sauf qu'il donne l'illusion peut-être encore plus fort du bonheur.
L'accroissement des richesses permet encore (pour quand la fin?) à une masse importante de consommer et de se laisser porter. Même la classe moyenne "appauvrie"depuis une décennie continue à manger la pilule (merci les magasins de nourritures à petits prix et toute la panoplie à consommer low-cost).
On nous abreuve de sport, de fêtes plus ou moins traditionnelles pour tenir ce temps, pour nous aveugler.......jusqu'au moment d'un grand choc mais quand, là est la question?
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Écrit par : elgringos777 / | 05/08/2013

STRUCTRURES DE PECHE

> La question des "structures de péché". L'"ordre" actuel est un ordre injuste, qu'il convient d'abattre. Mais, ce faisant, ne risque -t-on pas de mettre en place une nouvelle structure de péché, dix fois pire que la précédente ? Cette question me tourmente....
Je suis actuellement en train de lire le dernier ouvrage du P. Michel Viot, "La révolution chrétienne" (éditions de l'Homme nouveau, décembre 2012). Le P. Viot évoque ce point.
Je cite : "(...) ce qui est vraiment à craindre, c'est une recrudescence de l'idôlatrie du politique. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, l'une d'entre elles pourra être par exemple : contrecarrer la finance internationale. Ces bonnes intentions, ce ne sont que des masques à l'usage de mégalomanes qui ne cherchent qu'à asservir. On les imagine bien, demain, utilisant le parfum de l'utopie politique, mélangé à quelques rêveries écologiques, pour proposer un ordre nouveau, sans Dieu bien sûr, qui améliorera et renouvellera la dictature de l'homme sur l'homme."
Feld


[ PP à Feld - Vous ne trouvez pas étrange que le P. Viot réserve ses critiques et ses craintes à ce qui n'existe pas, en évitant de critiquer et de craindre les choses néfastes qui existent, et qui occupent même tout le terrain ?
C'est avec ce genre d'hypocrisies que des Eglises ont perdu l'estime des gens au XIXe siècle et au début du XXe.
Quant au péché, toutes les structures humaines en sont porteuses. Plus ou moins. Savoir où est le "plus" (à combattre) et le "moins" (à promouvoir) est l'objet du discernement lucide...
Le libéralisme chez les cathos est une interdiction de discerner et d'être lucide, édictée au nom du "TINA" de Mme Thatcher : "There Is No Alternative." Beurk. ]

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Écrit par : Feld / | 05/08/2013

BOURGEOISISME

> C'est vrai que, dans ce bouquin du P. Viot, il y a pas mal de choses qui agacent un peu, surtout à l'aune de ce qu'a pu dire dernièrement le pape François.
Ainsi, lorsqu'il refuse tout parallèle entre l'avortement, l'euthanasie et la "folie économique". Avec en filigrane l'idée que, aux dernières présidentielles, la seule option chrétiennement admissible était de voter pour M. Sarkozy...
Je cite encore : "L'avortement et l'euthanasie (...) sont des crimes absolus, dans leurs causes, leur exécution, leurs effets. Il est au pouvoir des hommes de ne pas les accomplir, par exemple en n'exécutant pas certains actes chirurgicaux et en n'administrant pas des substances mortelles. Le législateur peut empêcher ces actes par des lois. Il en va autrement du licenciement économique (...). Pour dire les choses d'un trait, une loi ou un ensemble de lois n'arrêtera jamais ni même ne limitera la grave question de ces licenciements. Alors que l'avortement et l'euthanasie peuvent être limités voire peut-être arrêtés par les lois. Que des politiciens en mal de voix utilisent ce genre d'amalgames pour se faire élire , cela peut se concevoir sans pour autant se justifier. Que des hommes d'Eglise les imitent, cela est angoissant ! (...) Que peut faire le chef d'entreprise, en accord si possible avec ses partenaires sociaux et les législateurs ? Ni les uns ni les autres ne pourront avoir d'action directe sur l'évolution du marché, comme les hommes le peuvent pour l'avortement ou l'euthanasie".

Bof, bof. J'ai l'impression que l'on se trouve à la limite du sophisme, là. Heureusement, le propos du P. Viot ne se limite pas à cela !

Feld


[ PP à Feld - C'est le péché d'une partie des catholiques français : faire comme si l'on devait "choisir. Faire comme si tous les devoirs n'étaient pas des devoirs. Ils opposent des choses qui vont ensemble.
Attitude racornie, obsolète, préconciliaire, et effroyablement "bourgeoise" au sens où l'entendait Léon Bloy, auteur apprécié du pape François ! ]
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Écrit par : Feld / | 06/08/2013

SERVIR QUOI

> Une dernière citation du P. Viot (bon j'arrête là ; je vous rassure, j'ai d'autres bouquins "sur le feu") :

" (...) Compte tenu de ce qu'est devenu l'Etat en France, la lecture du "Contre Celse" aurait un caractère d'urgence. Origène polémique non seulement contre le paganisme de la société et de l'Etat, mais aussi contre un Etat hostile à l'Eglise, Etat dont la puissance dépend essentiellement, selon lui, des esprits mauvais. Un chrétien peut difficilement servir un tel Etat et encore moins obéir à ses lois (...)".

Ceci rejoint une de mes interrogations (pour ne pas dire tourments) profond(e)s : en servant, en tant que fonctionnaire, un Etat qui a posé des actes valant littéralement consécration de la France à Satan (à mon sens, on peut aller jusque là), ne suis -je pas en état de péché mortel ? A 42 ans, chargé de famille, j'aimerais répondre par la négative. Mais... Je me sens un peu comme Jean-François Chemain (l'auteur notamment de "kiffe la France"...livre qui m'a profondément touché), ce "cadre dirigeant" lyonnais, (re)converti au Christ et devenu prof d'histoire en ZEP à 45 ans. Il savait qu'il ne pouvait plus continuer à vivre comme avant : ce qu'il faisait lui semblait vide de sens...et, après avoir littéralement "sauté dans le vide", il a demandé à Dieu ce qu'il attendait de lui . Peut-être est-ce parce que je n'ai pas encore sauté dans l'inconnu que le Seigneur ne m'a toujours pas répondu ?

Cher Patrice, chers amis lecteurs et contributeurs de ce blog, je me recommande à votre prière. De tout coeur, d'avance, merci !

Feld


[ PP à F. - Comptez sur nous. ]

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Écrit par : Feld / | 06/08/2013

NE PAS FAIRE DE TRI

> Toujours sur l'ouvrage du P. Viot : je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec d'autres commentateurs, au verbe également extrêmement acéré, mais qui ne font pas de "tri" dans ce qu'il convient de combattre.
Exemple : Yves Meaudre, qui ne mâche pas ses mots (et ses comparaisons ! ) pour dénoncer la dérive totalitaire des futures ex-démocraties occidentales.
http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Chronique-de-la-dictature-l-Esperance-remplacera-la-Marseillaise
http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Des-moeurs-de-regime-totalitaire

Et surtout, un texte qu'il a écrit il y a six ans et qui est plus que jamais d'actualité : "L'argent"...
http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/L-argent
Je cite (en relisant ce passage, j'en ai presque les larmes aux yeux) :
"Jean Vanier, constatait, il y a quelques semaines que les jeunes sont beaucoup plus généreux mais que souvent, leurs parents les étouffent vite pour les obliger à la sécurité matérielle. Alors que le monde n'a jamais été aussi insécurisé et instable. Qu'il est absurde de faire un business plan de carrière. Le monde a vraiment besoin de l'esprit "chevalier". Il faut abandonner ses fiefs, ses sécurités matérielles et psychologiques pour sauver notre Jérusalem céleste. Il nous faut découvrir un vrai saint Bernard montant sur un Vézelay médiatique pour nous en persuader. L'argent est la pire des dictatures, seuls les pauvres sauveront le monde et apporteront la paix, c'est le message de l'Évangile. Mais comme je suis dans l'Espérance, je sais qu'après avoir vaincu le nazisme, puis le marxisme, l'argent sera vaincu... par les pauvres. C'est pourquoi il faut les servir."
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Écrit par : Feld / | 06/08/2013

LA THÈSE DU PÈRE DE VARAX

> Dans son article de 2007, Yves Meaudre renvoie à une thèse dont le sujet me semble extrêmement intéressant :
"Patrick de Varax, L'Église face aux grande sociétés transnationales, thèse de licence canonique sous la direction du R.P. Giovanni Manzone, université pontificale du Latran, Institut de théologie pastorale Redemptor Hominis, spécialisation en doctrine sociale de l'Église."
Feld

[ PP à Feld- J'avais reçu en 2004 un exemplaire de la thèse du père de Varax, qui est remarquable et qui m'avait aidé quand j'écrivais "L'écologie de la Bible à nos jours". Je vais mettre en ligne certains extraits. ]

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Écrit par : Feld / | 06/08/2013

POSTER

> Je ne l'avais pas lu avant aujourd'hui celui-là, il est parfait ce billet ! Je l'encadre, j'en fais un poster géant et je l'affiche dans toutes les villes de France... Merci cher Patrice !
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Écrit par : Vincent / | 08/08/2013

@ PP et Feld, sur le P. Viot. et le cas du chef d'entreprise.

> Il faut dénoncer, mais dans la pratique?
Quand vous êtes face à l'alternative : licencier 10, 20, 30% de l'effectif, ou mettre la clé sous la porte et donc en virer 100% parce que vous ne bouclez pas les fins de mois, quelle est l'attitude la moins racornie, obsolète, préconciliaire et effroyablement "bourgeoise"?
PH


[ PP à PH :
- Ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas.
- L'aspect "effroyablement bourgeois", c'est l'esquive permanente d'un certain milieu catho prétendument papiste, face à ce qui ne lui plaît pas dans la DSE.
- Ce n'est pas le fait de prendre en compte les dures réalités de la situation économique sur le terrain !
Confondre les deux est un amalgame qui m'étonne. ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 08/08/2013

LE PIEGE LIBERAL

> Je pense que c'est là le grand piège du système libéral. Il est un mal informe, sans personnalité, désincarné en même temps qu'il envahit toute la société.
La notion de "structure de pêché" est un éclair de génie de l'Esprit Saint, à mon humble avis. Elle permet en effet de dénoncer clairement le mal causé par un système. C'est ce lien de causalité qui est essentiel et qui devrait frapper beaucoup de gentils cathos libéraux. Prions pour que cette prise du conscience du Mal soit entendu par nombre de nos frères. Car, comme vous le dites bien, sans réaction c'est "sur nos têtes" que cela explosera.
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Écrit par : Vincent / | 08/08/2013

@ PP

> Votre raccourci était un peu abrupt: j'ai dérapé dans la pente!
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Écrit par : Pierre Huet / | 09/08/2013

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